Les CGU Adobe Suscitent Des Inquiétudes Chez les Créateurs
- Cédric Foach
- 14 juin 2024
- 2 commentaires
Avez-vous lu les nouvelles Conditions Générales d’Utilisation d’Adobe (CGU Adobe) avant de les valider ? Comme la plupart des gens, j’imagine que non. Pourtant, ces conditions ont des implications importantes pour votre confidentialité et vos droits sur le contenu. Pour continuer à utiliser l’application Adobe en question, les utilisateurs doivent accepter les nouvelles conditions d’utilisation, ce qui est une pratique courante. Cependant, ils ne peuvent pas continuer à utiliser les applications et les services Adobe s’ils ferment la fenêtre sans accepter. Cela oblige les utilisateurs à se conformer, souvent sans vraiment comprendre les nouvelles règles auxquelles ils adhèrent. En se penchant plus près dessus, il y a deux ou trois mentions qui ont retenu notre attention, même plutôt inquiétées !
Mise à jour
- Cédric Foach
- 8 février 2025 11h07
- 2 commentaires
Rapport : Les employés d’Adobe en désaccord avec la direction sur l’IA
Les employés d’Adobe partagent les préoccupations de leurs clients quant à l’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur les emplois créatifs. Cette semaine, des discussions internes ont révélé une exaspération face à la gestion des communications par l’entreprise, notamment après une mise à jour controversée des conditions de service. Bien que ces nouvelles conditions aient été perçues comme agressives par les utilisateurs, Adobe a tenté de rassurer en promettant des ajustements.
Cependant, cette initiative n’a pas suffi à calmer les critiques. Les échanges internes, vus par Business Insider, montrent que les employés expriment des préoccupations similaires à celles des utilisateurs, dénonçant les mauvaises communications d’Adobe et son incapacité à tirer des leçons des erreurs passées. Un employé a écrit : “Si notre objectif est vraiment de donner la priorité aux meilleurs intérêts de nos utilisateurs, il est étonnant de voir à quel point notre communication peut être médiocre.”
Ces discussions ont mis en lumière un sentiment partagé : Adobe pourrait devenir une entreprise mal perçue, semblable à IBM, survivant principalement grâce à sa position bien ancrée sur le marché. D’autres employés ont ajouté que les stratégies de communication actuelles, y compris les billets de blog, ne suffisent pas à contrer la désinformation qui se propage sur les réseaux sociaux.
Un porte-parole d’Adobe a déclaré à Business Insider que les conditions d’utilisation seraient mises à jour d’ici le 18 juin. Il a affirmé : “Chez Adobe, notre engagement envers nos clients et notre innovation responsable dans cet espace ne sont pas ambigus. Nous nous félicitons de l’occasion de clarifier nos conditions et nos engagements et de répondre aux préoccupations de nos clients et de notre communauté.”
Cette situation semble avoir incité Adobe à adopter une nouvelle approche de communication, plus ouverte et directe, avec des contacts établis directement avec les médias. Reste à voir si ces efforts suffiront à restaurer la confiance et améliorer l’image d’Adobe parmi ses utilisateurs et ses propres employés.
Pour lire le rapport complet de Business Insider, cliquez ici.
Publication originale
Ce que disent (confusément) les conditions d’utilisation d’Adobe (CGU Adobe)
Dans la section 2.2 des Conditions générales d’utilisation d’Adobe Creative Cloud, intitulée « Notre accès à votre contenu », Adobe dit qu’elle peut « accéder à votre Contenu (défini à l’article 4.1 (Contenu) ci-dessous), le regarder ou l’écouter par le biais de processus automatisés et manuels que de manière restreinte et uniquement dans les limites autorisées par la loi. »
2.2 Notre accès à votre Contenu. Nous ne pourrons accéder à votre Contenu (défini à l’article 4.1 (Contenu) ci-dessous), le regarder ou l’écouter par le biais de processus automatisés et manuels que de manière restreinte et uniquement dans les limites autorisées par la loi. Par exemple, pour fournir les Services et les Logiciels, nous devrons peut-être accéder à votre Contenu, le regarder ou l’écouter pour (A) répondre aux Retours ou demandes d’assistance ; (B) déceler, prévenir ou traiter des activités frauduleuses ou illégales, des atteintes à la sécurité ou tout problème d’ordre technique ; et (C) faire appliquer les Conditions conformément à l’article 4.1 ci-dessous. Nos systèmes automatisés peuvent analyser vos Contenus et les Polices de client Creative Cloud (définies à l’article 3.10 (Polices de client Creative Cloud) ci-dessous) à l’aide de techniques telles que le machine learning afin d’améliorer nos Services et Logiciels et l’expérience utilisateur. Des informations sur la façon dont Adobe utilise le machine learning sont disponibles ici : http://www.adobe.com/go/machine_learning_fr.
Alors, qu’est-ce que le « contenu » ?
4.1 Contenu. Le terme « Contenu » désigne tout texte, toute information, toute communication ou tout matériel, tel que les fichiers audio ou vidéo, les documents électroniques ou les images, que vous téléchargez, importez, intégrez dans les Services ou les Logiciels ou créez à l’aide de ces derniers. Nous nous réservons le droit (mais nous n’avons pas l’obligation) de supprimer le Contenu ou de restreindre l’accès au Contenu, aux Services et aux Logiciels si l’un de vos Contenus enfreint les Conditions. Nous ne révisons pas l’ensemble du Contenu chargé sur les Services et dans les Logiciels, mais nous pouvons utiliser des technologies, des fournisseurs, ou des processus disponibles, y compris manuellement, pour filtrer certains types de contenus non autorisés (pédopornographiques, par exemple) ou tout autre contenu ou comportement délictueux (des activités révélant un pourriel ou un hameçonnage, ou des mots-clés indiquant que du contenu réservé aux adultes a été publié en dehors du mur de protection contre le contenu pour adultes). Vous pouvez en savoir plus sur nos politiques et pratiques de modération du contenu, notamment sur la façon dont nous modérons le contenu, dans notre Centre de données.
Si la section 2.2 des CGU Adobe nous a piqué les yeux, c’est la section 4.2, qui a particulièrement attiré notre attention
4.2 Licences applicables à Votre contenu. Uniquement à des fins d’exploitation ou d’amélioration des Services et des Logiciels, vous nous accordez une licence non exclusive, mondiale et libre de droits, sous-licenciable, pour utiliser, reproduire, afficher publiquement, distribuer, modifier, créer des œuvres dérivées basées sur, exécuter publiquement et traduire le Contenu. Par exemple, nous pouvons concéder en sous-licence notre droit sur le Contenu à nos fournisseurs de services ou à d’autres utilisateurs pour permettre aux Services et Logiciels de fonctionner comme prévu, par exemple en vous permettant de partager des photos avec des tiers. Séparément, l’article 4.6 (Retours) ci-dessous couvre tous les Retours que vous nous fournissez.
Cela ne semble pas très rassurant.
En quoi la création d’œuvres dérivées de votre travail affichées publiquement sans votre “consentement a posteriori” pourrait empêcher les services et logiciels de fonctionner correctement ? À moins que ce soit une manière, voir un prétexte, pour utiliser le travail des photographes et créateurs de contenu pour alimenter la genAi (IA générative) chez Adobe ? La question peut se poser vus les enjeux dans le domaine.
… Quand la pornographie peut servir de prétexte pour te pomper ton travail, ça va, ça passe…
Au-delà des frontières
En creusant un peu plus le sujet, on s’est aperçu qu’aux États-Unis, les conditions d’utilisation d’Adobe disposent des mêmes conditions. Toutefois, en ajoutant la possibilité à Adobe d’analyser les contenus créés par les utilisateurs et stockés sur les serveurs pour améliorer leurs produits et services.
Concernant la manière dont Adobe accède et analyse le contenu des utilisateurs, l’entreprise en a discuté à plusieurs reprises, notamment en février dernier. Les informations ci-dessous restent en vigueur et n’ont pas été modifiées par les récentes révisions de l’accord utilisateur aux USA.
« Adobe peut analyser votre contenu traité ou stocké sur les serveurs Adobe. Nous n’analysons pas le contenu traité ou stocké localement sur votre appareil. Lorsque nous analysons votre contenu à des fins d’amélioration et de développement de produits, nous agrégeons d’abord votre contenu avec d’autres contenus, puis utilisons le contenu agrégé pour entraîner nos algorithmes et ainsi améliorer nos produits et services. Si vous ne souhaitez pas qu’Adobe utilise votre contenu à ces fins, vous pouvez vous désinscrire de l’analyse de contenu à tout moment (voir les détails et les exceptions décrites). En savoir plus sur la manière dont Adobe peut analyser votre contenu dans les produits et services Document Cloud. »
Les exceptions incluent les contributions publiques aux plateformes Adobe, y compris Adobe Stock et Behance, le contenu diffusé en direct sur Adobe Live, le contenu soumis pour mise en avant sur Adobe Express, et le contenu soumis en tant que tutoriels dans Lightroom. Les utilisateurs ne peuvent également pas s’exclure de l’analyse de contenu s’ils utilisent des logiciels Adobe en pré-version, bêta ou en accès anticipé — et Adobe a fortement poussé la nouvelle bêta de Photoshop sur les utilisateurs avec des bannières et des pop-ups. De plus, le contenu soumis par l’utilisateur pour révision manuelle, comme dans le cadre du programme d’amélioration de Photoshop, est bien sûr sujet à analyse.
Qu’est-ce que cela signifie pour les infographistes et photographes ?
Où cela laisse-t-il les photographes et autres professionnels de la création ? Comme pour toutes les choses concernant les conditions d’utilisation et les accords utilisateur, les gens sont laissés dans la confusion et absorbés par un marécage de jargon juridique.
Cependant, il y a des conclusions qui peuvent être instructives. Adobe ne prétend pas avoir le droit d’analyser le contenu stocké localement — seulement le contenu traité ou stocké sur les serveurs Adobe. Il est facile de ne pas stocker de contenu sur les serveurs Adobe ; il suffit de ne pas utiliser les services Creative Cloud. La partie « traitée » est un peu plus compliquée, car de nombreuses fonctionnalités dans des logiciels comme Lightroom et Photoshop utilisent l’IA, qui repose sur les serveurs Adobe pour fonctionner.
C’est aussi un bon moment pour rappeler aux utilisateurs d’Adobe que, par défaut, Adobe peut analyser le contenu d’un utilisateur. Les utilisateurs doivent aller dans leurs paramètres de données et de confidentialité et se désinscrire de l’analyse de contenu.
L’option « analyse de contenu » est aussi activée par défaut. Les utilisateurs doivent la désactiver manuellement dans leurs paramètres de confidentialité.
Adobe répond à la controverse (du bout des lèvres)
La controverse en cours touche également un point important des conditions d’utilisation d’Adobe : elles ne décrivent pas clairement ce qu’Adobe peut ou ne peut pas faire avec le contenu des utilisateurs ni n’expliquent comment et quand Adobe peut analyser ce qu’une personne crée dans les logiciels Adobe.
C’est un problème qu’Adobe reconnaît, comme l’explique Scott Belsky (Fondateur de Behance, stratégie/produit/design chez Adobe) dans un fil de discussion sur X.
“solely for the purpose of operating…”
— scott belsky (@scottbelsky) June 6, 2024
for clarity: any modern software company that has features like reproducing as thumbnails, enabling users to share for review and approval via web link, auto generating variations, indexing for search etc - requires a license (or for…
« Uniquement dans le but d’exploiter… »
Pour plus de clarté : toute entreprise de logiciels moderne qui propose des fonctionnalités telles que la reproduction en tant que miniatures, la possibilité pour les utilisateurs de partager pour révision et approbation via un lien web, la génération automatique de variations, l’indexation pour la recherche, etc., nécessite une licence (ou pour un service tiers que vous pourriez utiliser pour le stockage cloud, une sous-licence pour les intégrations). Évidemment, « uniquement dans le but » devrait clairement indiquer que personne ne revendique la propriété de votre travail.
Mais je suis d’accord que le résumé des termes est peu clair et j’ai donné ce retour aux juristes. Les conditions d’utilisation réelles sont similaires à celles de tout autre fournisseur de logiciels moderne avec des fonctionnalités cloud qui nécessitent que le service puisse « accéder » à un fichier, comme lorsque l’utilisateur souhaite l’ouvrir dans l’application web de Photoshop, a besoin que les fichiers soient indexés pour la recherche, choisit de partager un document pour révision en ligne avec un collègue, le balisage automatique dans Lightroom ou d’autres capacités activées par le cloud. Et bon nombre de ces capacités nécessitent techniquement une licence « uniquement dans le but d’exploiter » comme indiqué. Adobe a quelque chose comme cela dans ses conditions d’utilisation depuis plus d’une décennie.
Mais la confiance et la transparence ne pourraient pas être plus cruciales de nos jours, et nous devons être clairs lorsqu’il s’agit de résumer les conditions de service dans ces pop-ups.
Cependant, la confiance et la transparence ne sauraient être plus impératives en ces temps modernes avec les dérives annoncées de l’IA, notamment, et il est crucial d’être explicite lorsqu’il s’agit de résumer les conditions de service. C’est un point sur lequel tous s’accordent : la confiance et la transparence sont indispensables. Que ce soit concernant la revendication de la propriété du contenu des utilisateurs par Adobe — ce qui n’est pas le cas — ou l’analyse de ce contenu — ce qui se produit parfois, surtout si un utilisateur stocke son contenu sur les serveurs d’Adobe — le problème fondamental réside dans le scepticisme profond des utilisateurs quant aux intentions et aux pratiques d’Adobe. Si cette méfiance persiste, Internet demeurera un terreau fertile pour l’indignation et la polémique à l’égard d’Adobe.
Adobe et l’idée de “confiance et transparence” laissent beaucoup à désirer en ce moment, après ce qu’ils ont fait à la communauté artistique avec Firefly. Les conditions devront être absolument transparentes, car il est légitime qu’elles soient désormais examinées de près. Vu le prix des licences c’est open bar pour les éditeurs, tu te fais piller ton travail et tu payes pour ça, double peine !
On est d’accord